« Il y a bien longtemps, si longtemps que notre mémoire en a perdu la trace, les nombreux peuples de l’Ether avaient des contacts avec les Humains. » [ Anne Givaudan, médium ]La Vie est le plus beau des contes de fées.
ous sommes en Europe centrale, au pied des Carpates. Dans le bois des Quatre Routes, proche de la petite ville de Bloch, vit un elfe.
Un elfe est un esprit non manifesté – c'est-à-dire privé de corps – qui papillonne entre terre et Ciel. On voit parfois voleter ces petites flammèches au dessus des marais, à approche d’un orage ou d’un grave évènement.
Vivant seul, notre elfe va souvent traîner près des humains. Il aime les voir travailler ensemble, construire de beaux bâtiments, s'entraider lors des foins, élever leurs enfants...
Un soir, par une fenêtre ouverte il entend des gémissements étouffés. En s'approchant, il constate qu'ils proviennent d’une jeune fille.
« Qu'elle est belle, songe-t-il. Mais... pourquoi pleure-t-elle ?
De l'âme en émoi de la jeune fille s'échappent d'étranges turbulences. Ce sont ses pensées.
« Voilà Isa ! Comme je l'envie. Anatole l'aime, ils sortent, ils s'amusent. Et moi, je suis là, toute seule...
L'elfe comprend qu’elle aime ce garçon, mais elle n’ose pas le lui avouer.
« Enfin pourquoi ?? Elle est si jolie !
Quand soudain elle se met à arpenter la pièce, il comprend. Tel un oiseau blessé, elle traîne une jambe débile.
L’elfe s’en retourne à ses bois, perturbé.
« Eh bien chez les humains, mieux vaut pas être différent des autres !
Le lendemain et les jours suivants, il l'observe. Elle gagne sa vie en travaillant quelques jours par semaine chez maître Maillard, le notaire de la ville. La jeune fille recopie les actes et gère ses rendez-vous. Elle entretient également ses plantes et le jardinet attenant à l'étude.
Un matin, tandis qu'il volette devant sa fenêtre, notre elfe s’étonne de voir la jeune fille se diriger vers lui. Non... C’est vers le vide qu'elle se dirige ! Et voici qu'elle enjambe le garde-corps ! Alors qu'il s'avance pour l'en empêcher, leurs regards se croisent. Elle s'immobilise avec un cri de surprise et se réfugie précipitamment dans la pièce.
L’elfe aussi a sursauté.
« Quoi, elle m’a vu !? »
Pourtant, depuis le temps qu'il croise les gens et même qu'il les traverse, il sait bien que personne ne peut le voir ! L’émoi ressenti en la voyant se pencher au dessus du vide l’aurait-il rendu visible ? Mais quelque chose de plus immédiat l'interpelle.
« Elle a voulu sauter ! Elle a voulu mettre fin à ses jours !
« Je dois l’aider ! Mais comment ? se demande-t-il en filant au milieu des ménagères qui se rendent au marché.