l était une fois en Pologne, à Cracovie, un juif très pauvre nommé Eisik, qui vivait avec sa femme et ses quatre enfants dans une maison minuscule.
Et voici que plusieurs nuits consécutives, il fait le même rêve : il se voit aller à Prague, creuser sous un pont, et trouver un trésor d'une valeur inestimable.
Bien sûr, au début, le malheureux n'y voit qu'un beau rêve. Mais sa répétition finit par le troubler.
« Assurément, Dieu veut me permettre de marier dignement mes filles » finit-il par se dire. Et il en parle à sa femme.
Malgré ses cris, ses larmes et finalement sa malédiction, Eisik puise dans leurs économies de quoi payer le voyage et se rend à Prague, pour la première fois de sa vie.
À peine arrivé en ville, il longe les quais, cherchant fébrilement le pont qu'il a vu en rêve. Soudain, il s'immobilise. Il est là. Il s'agit du Pont Royal. Le soir même, Eizik y fait des allées et venues, tourne ici et là imaginant où et comment il va devoir s'y prendre pour creuser. Mais son manège intrigue rapidement des soldats et le voici arrêté sans ménagements.
Durant les interrogatoires qu'Eizik subit, il a tout le loisir de regretter de ne pas avoir écouter sa femme. En cette période de trouble, à l'évidence il prépare un mauvais coup. Son refus de l'avouer décuple la colère du capitaine des gardes.
En désespoir de cause, le pauvre homme raconte son rêve, et donc la raison pour laquelle il est ici. Contre toute attente, le capitaine éclate de rire : « Imagine-toi que voici trois nuits, trois nuits consécutives ! que je rêve que dans la ville de Cracovie, sous son poêle crasseux, d'une maison tout aussi crasseuse, est enfoui un trésor. Cela m'a troublé, mais tu me vois aller à Cracovie, fouiller les maisons de tous les damnés juifs à la recherche d'un trésor ? » Et le rire reprend le capitaine un long moment.
« Seul un idiot peut accorder foi à un tel rêve ! Comment peut-on être aussi bête ! Allez file ! »
Ayant dit cela, tout le corps de garde s’esclaffe bruyamment. Eisik, confus, honteux, s’incline... et s'éclipse, bien heureux de retrouver la sortie.
Depuis qu'il est rentré chez lui, Eisik supporte les reproches continuels de sa femme, et ses moqueries. De dépit, un jour, il creuse sous le poêle... et là, il trouve une cassette remplie de pièces d'or.
On cherche parfois bien loin
un trésor que l'on a sous la main.