L'histoire de Benoît

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 « Voici la vie de Benoît, telle que sa maman a bien voulu me la confier (extraits du livre de Jeannine Van Camp, 'Tu leur diras' ) :

 Son joli bébé tout blond et en pleine santé dans les bras, Joëlle quitta la clinique. Mais en passant devant le service de pédiatrie pour sortir, un frisson glacial lui parcourut tout le corps. Elle s’entendit penser : « Un jour nous reviendrons ici ».

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  À deux ans, une aplasie médullaire est diagnostiquée chez l’enfant. Opérations successives, complications, hospitalisations successives, chimiothérapie, septicémie, hémorragies, perte de la parole, crises d’épilepsie, Benoît a 15 ans et lutte toujours courageusement. Il fait l’admiration du personnel soignant, mais aussi de ses professeurs qui, malgré les retards accumulés, reconnaissent sa volonté de réussir. Il aimerait devenir médecin. « Tu comprends, moi je sais la douleur » dit-il à sa mère. En 1996, Benoît a atteint un degré de maturité inouï pour ses 18 ans, et son courage, sa patience, sa sagesse ne cessent de croître. De retour d’hospitalisation, sa mère l’entend lui dire : « J’ai eu une belle vie quand même ! ».

 Il n’y a ni rancœur, ni haine vis-à-vis de quiconque et vis-à-vis de la vie. De toutes ces épreuves il a tiré une très grande sagesse et une force de caractère incroyables, surhumaines. Il ne pourra jamais être médecin mais 8 mois plus tard il reprend le chemin du lycée. Mais de nouvelles douleurs apparaissent au niveau des hanches : nécrose fémorale. Pose de prothèses, rééducation. Puis maux de tête : des tumeurs successives se déclarent au niveau du cervelet. Dans un moment de lucidité, Benoît parle de sa mort avec calme : « Pour renforcer l’esprit, il faut savoir surmonter l’insurmontable ». À sa mort, dans un souffle, sa mère l’entend lui murmurer : « Pardon Man ».
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 Je suis anéantie, révoltée, impuissante, en colère. Pourquoi tant de souffrance ? Tant de malchance ? Pour aboutir à quoi ? Aucune parole ne pouvait sortir de ma bouche sèche. Et Joëlle qui me regardait, m’attendait… Tout à coup une idée survint : demander à mes guides de m’aider ! Je fus entendue… de suite. Je suppose qu’ils devaient être là depuis un moment, à nous observer, attendant que je leur demande d’intervenir. Et les paroles vinrent toutes seules.

 « Joëlle, m’entendis-je lui dire, vous écrivez chaque jour à Benoît pour lui dire combien il vous manque, l’assurer de votre indéfectible attachement, et de votre immense amour. Votre enfant ne peut vous être rendu « vivant » et vous n’ignorez pas non plus, pour l’avoir lu, que ce chagrin manifesté, ces regrets ne permettent pas à votre fils de « monter », d’aller vers la Lumière. Il reste là, près de vous, à se morfondre… Est-ce le but que vous recherchez ?

 Je vais donc vous proposer de continuer à écrire… mais pas à Benoît. Vous allez confier à Jean, mon adolescent, passé dans l’autre dimension, du même âge que votre fils, votre peine, votre chagrin. Vous lui demanderez de s’occuper de votre enfant comme vous aimeriez le faire vous-même. Êtes-vous d’accord ?
 »

 Un presque inaudible « je suis d’accord » fut murmuré.

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 Un mois plus tard, Joëlle passe me voir, un cahier sous le bras. Celui dans lequel elle a écrit ses lettres à son fils, puis celles à Jean. À la dernière page, elle me montre une phrase que je ne suis pas prête d’oublier. L’écriture est différente, plus petite, plus serrée que celle de Joëlle, pratiquement illisible :

« Mère de Benoît… ne sais pas si oui ou non… »

Un peu plus tard des messages (plus clairs) se succèdent :

« Mère de Benoît, merci pour ton message. Tout va aller mieux, le temps te sera bénéfique, ne pleure plus, "laisse béton" comme dirait Benoît. Salut, Jean. »

 « Jean le messager te remercie de tes bisous. Je ne me lasse pas de lire tes messages. Reviens vite, mère de Benoît, le Titi à sa mère. Salut. Jean ».

 « Mère de Benoît, merci, tout va bien pour moi. Ne te fais pas de souci, Benoît n’est pas loin, va, je ne peux pas te dire plus, le messager remonte
☆Cette notion de "remonter" revient souvent dans les messages ; il n'est cependant pas question ici d'altitude mais de taux vibratoire.. . Salut. Jean ».

Plus tard :

« …Benoît est en mission, reviens bientôt, pas de nouvelles fraîches. »

 Cependant Joëlle ne peut s'empêcher de douter et renonce souvent à écrire, de peur d'être le jouet d'illusions mortifères et dangereuses, ou de le déranger. Elle écrit:

« Voilà déjà trois jours que je n'ai pas écrit. Ce n'est pourtant pas manque de penser à toi, mais je fais attention à ne pas trop t'accaparer. »

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 Enfin l’état de Joëlle s’améliore, doucement. Une sorte de confiance s’installe en elle. Chaque soir, elle continue à prendre contact avec son fils et lâche prise, petit à petit sur sa souffrance. Ses phrases se font plus ouvertes, plus légères :

« Surtout vis, mon amour, sois le plus heureux possible. Ta nouvelle vie, ton soulagement, ton bonheur, sont pour moi ma délivrance. »

...

 « J’aime de plus en plus cet instant magique où je peux mettre sur le papier tout le bien être que je ressens. Je sais que vous n’êtes pas loin de moi, puisque je ressens cette douce fraîcheur me caresser la main… En moi monte un grand bonheur, merci pour ce bien-être. »
* *
 Et puis un matin, elle peut reconnaitre sur son cahier un « Maman, je t’aime » reproduit plusieurs fois.
* *
 Les messages de Benoît se sont ensuite multipliés, mais malgré son courage la maman ne peut complètement cacher à son fils, qui lit en elle comme dans un livre ouvert, combien certains moments lui sont difficiles à vivre.

 « Maman, ne sois plus aussi triste, je t’en prie. Je t’aime tant, alors avec moi, retrouve toute ta joie et je n’aurai plus de tourments.
 Tu revois trop mes moments douloureux, ma petite mère chérie. Les mauvais souvenirs doivent être effacés, le plus possible. Rien ne peut plus me faire souffrir, sauf votre tristesse. »

...

 « Non, man, tu as fait tout ce qu’il fallait, non l’hôpital n’aurait rien pu changer. »

...

 « Maman, ne sois pas inquiète, le titi ne peut plus être aussi présent. J’ai maintenant tant de missions à assumer
☆Essentiellement accueillir et rassurer ceux qui arrivent. Benoît s'en explique dans divers messages:
"Je vais chercher les âmes perdues avec les autres", "J'ai beaucoup de travail. Si, M'an, des âmes à aller chercher, beaucoup d'âmes"
.
Toi qui sais que je suis vivant, je ne peux plus te consacrer autant de mon temps. »

...

 « Maman, je ris car je sais que ma mère chérie ira beaucoup mieux dans peu de temps. »

 Son plus vif désir est de prouver, comme il le peut, sa survie, afin de rassurer ses parents et de soulager.

 « Oui j’ai éteint la lampe du salon, je voulais que tu saches que j’étais là ! »

...

 « Transmets ces messages, maman ! »


( Jeannine Van Camp, 'Tu leur diras' )