La triste fin d'un jeune homme
pris par la drogue

Extrait du livre d'Anne Givaudan

 "La rupture de contrat"

SOIS Editions



 « Dans ce livre je voudrais vous parler de ceux qui, après un passage sur terre, ont voulu témoigner de leur vie. »

  Anne Givaudan, médium

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  « J’aurais pu être heureux mais ma timidité m’encombrait. Un jour, un garçon de ma classe, un élève plus âgé me fit cette proposition :

- Je vais te donner un truc que je prends régulièrement pour être au top. Tu verras c’est super, mais surtout n’en parle à personne, c’est un secret entre nous.

 J’avais quinze ans et j’admirai l’assurance de ce garçon sans m’apercevoir qu’elle était inversement proportionnelle à sa réussite scolaire.
 Le premier “joint”, puisqu’il le nommait ainsi, je le fumai dans les toilettes. Il me fit effectivement l’effet d’une bombe. Après quelques minutes où je ne sentis rien de particulier, je commençai à ressentir en moi une confiance et une énergie inhabituelles. Mes inhibitions s’étaient évaporées d’un coup.
 Au début de mes expériences, mes parents ne s’aperçurent de rien car je pouvais me contrôler, mais plus le temps passait, plus j’avais besoin de fumer cette herbe qui, je le croyais, m’aidait enfin à être moi-même. Je parlais davantage, mais lorsque j’en manquais, mon humeur changeait et je devenais maussade.

 Lorsque mon “ami” me proposa d’essayer ce qui allait m’amener, disait-il, au “septième ciel” sans effort, je ressentis en moi comme une barrière à ne pas franchir. Il était cependant trop tard. Je n’arrivais plus à me sentir moi-même sans ce substitut qui m’empoisonnait lentement.

 Plus mes frères et sœurs essayaient de m’aider, plus je me sentais minable et plus je les agressais, eux aussi, sans qu’ils comprennent pourquoi.
 La vie de famille devenait un enfer. Je me sentais coupable, mais plus ce sentiment m’envahissait et plus je m’échappais dans la drogue.
 Mes “voyages” n’étaient pas toujours lumineux, loin de là. Je ne contrôlais rien et de plus en plus je me retrouvais dans des univers sombres. Je devenais de plus en plus inadapté à la vie sur Terre et rien ne m’intéressait plus que d’attendre de prendre la dose qui me permettrait de me sentir un peu mieux.

Quand on délaisse le corps...
 De moins en moins présent dans mon corps, je sentais bien que parfois je n’étais pas seul à l’habiter.
 Des idées sombres m’habitaient et souvent je sentais des présences à mes côtés et même à l’intérieur de moi. Je pris peur un soir, lorsque je sentis que quelqu’un que je ne voyais pas prenait mon bras et murmurait à mon oreille :

 - Viens, tu ne vaux plus rien maintenant, pourquoi ne pas sauter de l’immeuble, peut-être que tu es capable de voler.

 Je voulus alors prendre une dose plus forte, juste pour apaiser ma peur ; je ne voulais pas mourir.
 Je m’allongeai, attendant que le produit fasse son effet, lorsque tout à coup, je vis une ombre près de moi, une ombre effrayante et grimaçante. Je n’étais plus qu’à demi dans mon corps tandis que cette ombre qui me terrorisait prenait la place de l’espace libre que j’avais laissé. Je hurlai intérieurement, mais aucun son ne sortit.

 Nous étions maintenant deux dans ce corps que je ne contrôlais plus. Une partie de moi luttait contre l'ombre qui dirigeait mon corps. Je voulais la chasser, mais j’en étais incapable, ce n’était plus moi qui commandais. Le produit qui passait dans mes veines avait eu raison de toute volonté en moi.
 Pris de douleurs violentes au ventre, j'entendis une voix que je n’aimais pas me dire de sortir et de conduire ma moto.

 (...) J’arrivai ou plutôt nous arrivâmes sur un pont, très haut. Près du parapet, la voix me susurra :

- Regarde, essaie de sauter. Qu’est-ce que tu risques ? Peut-être que tu sauras voler ! essaie…

 Alors, poussé par une pulsion, une envie incontrôlable, j’enjambai le parapet et, comme un oiseau, je me lançai dans le vide sans aucune appréhension.
 J’entendis le choc de mon corps lorsqu’il atteignit l’eau et ma voix qui criait “Maman !

 Avant de mourir je vis simplement, en un éclair, se dérouler ma vie, depuis ce moment de ma chute du pont jusqu’à ma naissance et à ma conception... Je sus tout à coup que la vie avait toujours voulu de moi et que ma naissance n’était pas un hasard malheureux. J’avais tout voulu, dans les moindres détails. Seule ma mort ne faisait pas partie de mon histoire.

 Une voiture s’arrête sur le pont. Le chauffeur et ses deux passagers ont deviné qu’un drame se déroulait. Ils ont vu la moto et appellent maintenant, de leur portable, la police, les secours. Ils ont juste vu la silhouette basculer, trop tard !

 Timmy est mort et ses parents adoptifs le pleurent. Sa mère dans la douleur de cette perte ne voit plus les enfants qui restent et qui, tour à tour, se demandent si les morts ne sont pas plus aimés que les vivants.
 Timmy voudrait leur dire à tous qu’il n’est pas mort mais aucun ne le voit, aucun ne le sent, ni ne l’entend. »

( A. Givaudan, 'La rupture de contrat' )