Un homme

  dépasse sa détresse

  « Avant que vos yeux puissent voir Dieu, il faut qu'ils soient devenus incapables de verser des larmes sur vos propres souffrances. Votre voix ne peut exprimer la sagesse éternelle avant d'avoir perdu tout pouvoir de blesser. Tuez donc en vous toute ambition d'exceller dans les pauvres sentiers de la réputation. Cessez de considérer votre vie comme votre bien le plus précieux.

« Je maigris et je pâlis. J'errais partout sans but, en proie à un immense dégoût pour les distractions et intérêts du monde. Je m'attristais à cause des chagrins que je voyais autour de moi. Je soupirais après le plan supérieur dont je connaissais enfin la réalité et où se tenaient mes êtres chers. Mais je ne pouvais m'élever jusqu'à eux et eux ne venaient pas vers moi. Alors j'étudiai les règles du Sentier. Ensuite je reçus le choc en retour de l'effet de ma conduite sur la charmante femme qui m'aimait. Est-ce que je lui faisais ce que j'aurais voulu qu'on me fît ? Non. Je pris donc de fermes résolutions, domptai mes propres chagrins, fis de ma nature animale un outil au service de mon âme, et cessai de la laisser prendre de l'empire sur moi.

 Je me remis donc à sourire, les couleurs me revinrent et ma femme redevint heureuse. Quant à moi, j'avais enfin découvert le vrai Sentier, celui du Service. Je ne pleurais plus sur moi-même, ma langue ne blessait plus personne par des phrases moroses, et, triomphe suprême, mes pieds baignaient dans le sang vivant de la nature animale. Je vécus sans égoïsme, tout mon être tendu pour agir au mieux, aussi heureux que si je recherchais exclusivement le bonheur, aussi sérieux que si j'étais guidé par l'ambition. C'est alors que la paix de silence s'installa en moi.
 »

 ( Jean Phylos, "J ai vécu sur 2 planètes" )